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A la découverte de l’Epire, dans le nord de la Grèce.

A Ioannina, une autre Grèce se révèle, verdoyante, orientale et méconnue. Capitale provinciale et ville estudiantine, c’est ici que bat le coeur de l’Epire, au bord d’un lac paisible où se mirent les montagnes toutes proches. Jadis carrefour commercial entre l’Italie, la Russie et l’empire ottoman, elle a brassé les cultures et nourri des légendes qui se racontent encore dans son architecture.

La ville de Ioannina abonde en mythes qui semblent surgir de la brume légère qui chaque matin à l’aube enveloppe le lac Pamvotis à moins qu’ils ne naissent à l’horizon quand, à la tombée du jour, on se laisse prendre au charme incomparable de cette étendue lacustre bleu acier bordée de roseaux où flotte un îlot noyé de verdure et de mystère.

Les Anciens considéraient l’Epire comme extérieure à la Grèce et pourtant elle a été habitée par les Hellènes. La preuve en est avec le site de Dodone, siège d’un oracle consulté dès le 2ème millénaire avant notre ère et connu bien avant que celui de Delphes ne s’impose. La réponse des dieux se manifestait dans le bruissement du vent dans les feuillages d’un chêne sacré. Du temple érigé en son honneur, il ne reste que quelques fondations et seul l’imposant théâtre donne du lustre au site qui accueille chaque été le festival du théâtre antique de Ioannina. Entre les colonnes qui gisent sur le sol et les ruines des temples, l’imagination se laisse emporter pour vagabonder à l’époque où l’oracle de Zeus guidait Ulysse sur le chemin d’Ithaque.

Blottie derrière les montagnes qui l’enserrent, l’Epire reste à l’écart des grands événements jusqu’à l’apparition du despotat né au moment de l’éclatement de l’empire byzantin. D’un assassinat à l’autre, une dizaine de dictateurs affamés de pouvoirs vont se succéder sur le trône jusqu’à ce que les Turcs s’emparent de la région. Durant quatre siècles, l’empire ottoman imprime sa marque sur l’Epire qui connaît une belle prospérité économique comme carrefour commercial entre le Sud et le Nord, vers l’Europe et la Russie tsariste. 


Le charme de l’île de Nissi tient à son lac d’eau douce envahi par des bouquets de roseaux. / L’île de Nissi

Sous la domination ottomane, Ioannina se développe derrière les remparts de sa citadelle, elle érige des mosquées, ses écoles de peinture religieuse sont réputées et elle devient un important centre d’art et d’orfèvrerie. Qu’il s’agisse de joaillerie, de l’art de la table ou d’objets religieux de haute facture, les artisans de Ioannina ont été célébrés dans toute la région des Balkans pour la finesse et la pureté de l’argenterie qu’ils cisèlent. Encore aujourd’hui, les venelles de la cité abritent de nombreuses échoppes où on peut découvrir de jeunes créateurs qui martèlent et taillent des bijoux en argent.

Le lion de Ioannina
Ali Pacha, un aventurier venu d’Albanie parvient à se faire nommer pacha de Ioannina et durant une trentaine d’années, il va y étendre son prestige d’une main de fer. Soucieux de se libérer de la domination ottomane, il organise sa ville sur le modèle des capitales européennes et la dote même d’un centre universitaire. Il finit par entrer en rébellion ouverte avec le sultan. Retranché sur l’île de Nissi, il est vaincu et décapité en 1822. Le souffle d’indépendance lancé par Ali Pacha ne s’éteindra plus mais l’Epire devra attendre encore plusieurs années avant de signer l’intégration au royaume grec en 1913 au terme de la guerre des Balkans.


Durant les heures chaudes de la journée, les pêcheurs sèchent leurs filets sur des fils tendus au-dessus du lac. / Filets de pêche à Nissi.

Quand on pénètre derrière les hauts remparts qui cernent le kastro, on est surpris par le silence qui y règne à peine troublé par le chant des oiseaux et les bavardages des habitants attablés sous un vieux platane. Si Ioannina est une petite métropole dynamique, ici règne une paisible ambiance de village au coeur du lacis de ruelles pavées bordées d’anciennes maisons basses de style ottoman à encorbellements de bois. Elles mènent vers la citadelle intérieure qui abritait le somptueux palais d’Ali Pacha. S’il ne reste rien du sérail où il vivait avec son harem ni des salles d’audience d’où il orchestrait tortures et exécutions, l’acropole actuelle semble encore hantée par les souvenirs tragiques de son règne cruel. Assis sur la margelle de l’enceinte qui surplombe le lac, on ne peut que se souvenir de la jeune femme que viola Ali Pacha et qu’il jeta ensuite dans le lac avec 17 autres compagnes enfermées dans des sacs lestés pour que personne ne puisse témoigner de son forfait.

L’île de Nissi a tout d’un éden bucolique, isolé de l’agitation du monde moderne. Un petit port habité par les cygnes et les canards qui ondulent entre les barques de pêcheurs, quelques tavernes qui longent le débarcadère et au-delà, un minuscule hameau aux maisons couvertes de toits de lauze. Plusieurs monastères byzantins couronnent la butte de l’île mais le plus intéressant est Agios Panteleimonas où Ali Pacha fut assassiné. Transformé en musée, il présente une collection d’objets ayant appartenu au pacha. Au retour, le charme est toujours au rendez-vous car la courte croisière sur le lac découpe des paysages carte-postales, que ce soit sur l’îlot noyé de roseaux ou sur la lourde enceinte de Ioannina surmontée de minarets ou encore sur l’enfilade des arbres qui longent la promenade autour du lac en penchant leur feuillage jusque dans les eaux.


Belle plage épirote léchée par une mer azur transparente. / Typique plage épirote.

Comment forcer la chance…
Au lendemain de la seconde guerre mondiale particulièrement destructrice dans le nord du pays, la Grèce a été ravagée de 1946 à 1949 par une guerre civile tout aussi meurtrière qui laissa le pays exsangue. Ce fut le point de départ d’une émigration massive vers d’autres horizons : les Etats-Unis, l’Australie et … la Belgique. Janvier 1963, Thomas Nikas a à peine 9 ans quand un tremblement de terre va laisser en ruines la maison familiale bâtie à flanc de colline à Giorganon, un village proche de Ioannina. Son père mineur de fond à Cheratte revient daredare au pays pour emmener son épouse et ses 6 enfants. Voyage fantastique pour ceux qui n’avaient jamais quitté leur village, voyage effrayant aussi : la fureur des flots qui ébranlent le navire qui les mène à Brindisi, le premier train jusque la gare de Milan où la malchance a voulu que le train de Liège s’ébranle en laissant à quai le père de Thomas, le seul qui connaissait l’ultime destination. Angoisse dénouée heureusement lorsque quelques heures à peine après leur arrivée en gare des Guillemins, un autre train fait son entrée avec à bord son père qui avait gardé de quoi nourrir sa famille: pain, olives, feta. La délivrance, d’autant que la petite maison de Cheratte a tout d’un palais avec deux chambres, des toilettes, de l’eau courante et une vraie cuisine… 

Thomas est ainsi passé très vite de l’enfance à l’adolescence et il n’a de cesse d’apprendre à devenir autonome, soucieux de suivre une formation pour rapidement ajouter sa paye au salaire de son père. La filière «Electricité dans le secteur électroménager» qu’il suit à l’Institut provincial de Herstal lui permet de gagner son argent de poche. Il répare les appareils des voisins, sa réputation s’établit et il amasse sou après sou d’autant qu’il n’hésite pas à offrir ses bras aux fermes du plateau qui recrutent pour la cueillette des fruits. Son rêve : acheter une voiture et emmener sa famille au pays, en Epire. Il avait à peine 18 ans quand il le réalise…


La petite ville de Parga s’étage au creux d’une baie. / Parga s’étage au creux d’une baie.

La suite de la vie de Thomas Nikas est à l’image de son entrée dans le monde. Toujours il saura forcer la chance en se donnant des atouts pour aller de l’avant. Une carrière dans le monde des affaires qui va commencer en Algérie puis le promener dans toute l’Afrique Noire où il côtoie les grands du continent chargés de développer l’enseignement dans leur pays. Thomas y implante les outils nécessaires pour équiper de nombreux laboratoires scientifiques et il veille à la qualité de la formation nécessaire des utilisateurs et à la maintenance des machines. Ses sociétés, Néo-Tech et Expro, peu connues chez nous, sont pourtant installées à Milmort et rayonnent dans tout le continent africain.

Thomas n’a rien oublié de ses origines épirotes ni de la fierté de son père quand il le ramena la première fois à Giorganon. C’est pourquoi il a décidé de reconstruire la maison familiale et d’apporter un plus au village où il a réhabilité la fontaine toujours en ruines depuis le tremblement de terre. Chaque année, il y retourne, il en ressent le besoin et il permet aux siens de s’y retrouver au nom des traditions familiales et de la solidarité qui l’a soutenu dans la communauté grecque des expatriés de Cheratte. Thomas sait aussi tout ce qu’il doit au pays de Liège qui lui a offert l’hospitalité, les fondations de sa formation et des racines qui vont lui permettre d’avancer. «En Afrique, dit-il, laboratoire de patience et source de richesses immenses, mon ancrage liégeois m’a ouvert des portes». A découvrir dans le livre passionnant que Pierre Hazette lui a consacré, «Thomas Nikas, forcer la chance». 

La mosquée de Fethiye construite en 1430 domine le Kastro de Ioannina. / La mosquée de Fethiye, symbole de Ioannina

L’arrière-pays montagneux, le visage rustique de la Grèce
De la verdure à perte de vue, une nature foisonnante, des paysages escarpés, des gorges profondes, des torrents d’eau limpide, de vieux ponts de pierre et des villages intemporels humblement adossés aux collines vertes, tel se découvre l’arrière-pays de Thomas. Une aubaine pour les amoureux de la nature et ceux qui apprécient un mode de vie ancestral.

Le Pinde est l’un des plus vastes massifs montagneux de la Grèce et il englobe presque la totalité de l’Epire. La richesse exceptionnelle de la faune et de la flore de la région a amené le gouvernement à protéger le site en y créant un parc naturel traversé par l’Aoös mais aussi par la Voïdomatis, une rivière à truites bien connue des pêcheurs à la mouche. L’impressionnant pont muletier qui enjambe l’Aoös à Konitsa ouvre en quelque sorte la porte des gorges et invite à une balade au coeur d’une végétation dense tout en suivant les eaux turquoise de la rivière. 

Les cheminées de fée racontent un pays minéral. / Des cheminées de fée

Plus impressionnants, les douze kilomètres des gorges de Vikos creusées par la rivière Voïdomatis avec un dénivelé de près de mille mètres. Des dimensions qui en font une attraction incontournable pour les randonneurs mais aussi pour les amateurs de rafting. Pas besoin d’être un as de ce sport car les cascades peu nombreuses ne sont guère tourbillonnantes. Une occasion exceptionnelle pour découvrir le défilé par son contrebas avec ses parois presque verticales rose orangé sur lesquelles s’accrochent obstinément quelques arbres suspendus au-dessus de nos têtes. 

A la fois réserve zoologique et jardin naturel, le parc abrite de multiples écosystèmes, entre maquis denses, forêts de conifères, prairies préalpines et zones lacustres, de quoi offrir un petit paradis à une flore très variée. On y trouve ainsi une cinquantaine d’orchidées différentes, une centaine de variétés de papillons tandis que sangliers, chevreuils, daims, chamois, chats sauvages, ours bruns et chacals hantent les sous-bois et les parois rocheuses. L’eau du fleuve Voïdomatis y est si pure et si préservée de l’homme qu’on peut la boire tout au long de la randonnée ou d’une escapade en rafting.


Vie paisible dans les villages des Zagoria.

Les villages des Zagoria
Pas moins de 46 villages de pierre aux toitures couvertes de lauze surplombent les gorges. Autrefois, ils commerçaient librement dans l’empire ottoman, ce qui leur assurera une certaine prospérité. Les maisons, même de dimensions modestes, sont cossues pour des habitations montagnardes traditionnelles et un superbe réseau de sentiers muletiers jalonnés de ponts de pierre élancés à deux ou trois arches relient encore aujourd’hui les villages entre eux. Toutefois de nombreux villages qui opposaient une résistance farouche à l’envahisseur allemand ont été détruits. Ils se sont alors vidés peu à peu, tout comme le fit la famille de Thomas.

La crise que connaît la Grèce depuis quelques années a encouragé certains à quitter les villes pour retourner dans l’arrière-pays et quelques villages connaissent un regain de vie. Des maisons sont restaurées, on y ouvre des pensions de famille et chaque soir, le kafeneion réunit les uns et les autres qui ne se lassent pas d’admirer le coucher de soleil sur les gorges. A Monodendri, il faut gagner à pied le monastère d’Agia Paraskevi accroché à la falaise tel un bastion de pierres grises. Les moines avaient creusé un étroit chemin dans la roche qui offre un point de vue exceptionnel sur les gorges. Camaïeu de verts et de bleus, un tableau envoûtant qui invite à emprunter les sentiers qui zigzaguent d’un village à l’autre, en passant par le creux du canyon.

L’île de Nissi est un minuscule royaume byzantin.

Ses quatre enfants qui en fait l’ont aidée à s’enraciner dans ce terroir. «On reste toujours un étranger ici, dit-elle. On se connaît, on se reconnaît mais je ne suis pas parvenue à tisser de vrais liens d’amitié». C’est que les Charentais ont longtemps vécu repliés sur eux-mêmes autour du commerce qu’ils exerçaient avec bonheur au fil de la Charente. Ces négociants qui entretenaient pourtant des contacts avec les pays nordiques, les Antilles et le Canada se refermaient chez eux, dans leurs domaines, autour de leur famille et des habitudes séculaires. Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui encore, même si le monde a changé, les Charentais restent secrets, discrets, voire même très attachés à leurs traditions. Des amis, Geneviève en a mais ils sont Belges et plutôt Liégeois. «Je suis et reste profondément liégeoise. Je n’imagine pas ne pas rentrer dans ma ville auprès de ma famille pour les fêtes de fin d’année. Une très belle époque d’ailleurs pour replonger dans l’ambiance chaleureuse et conviviale de Liège».

L’incontournable promenade au bord du lac à Ioannina.

La beauté sauvage de la côte épirote
En Epire la mer n’est jamais loin et il est aisé de conjuguer les plaisirs de la montagne avec ceux de la mer, incontournables quand on part en vacances en Grèce. Encore faut-il trouver son chemin vers les criques dont les reflets bleus scintillent en contrebas, au-delà d’une végétation dense d’oliviers, de citronniers et d’abricotiers, bien à l’abri du trafic qui dessert la grand-route. Le littoral égrène un chapelet de petites stations balnéaires à taille humaine pour le plaisir des familles : Syvota et sa baie dentelée où se blottissent des criques qu’on ne peut atteindre qu’en bateau, Loutsa-Vachros et son ruban de sable blanc aux reflets roses et dorés, Ligia scindée en deux par un éperon rocheux. La perle n’en reste pas moins Parga, ancien bastion vénitien. La vieille ville, à cheval sur deux baies bordées de plages et couronnée par les ruines de sa forteresse, aligne ses maisonnettes colorées en amphithéâtre autour de son débarcadère. Un dédale de venelles pavées interdites aux voitures, des grappes de bougainvillées aussi hautes que les maisons, des tavernes établies sur le front de mer, un must pour les jeunes et les moins jeunes qui aiment à y contempler l’horizon barré par des îles lointaines.

Thomas Nikas.

INFOS PRATIQUES
Infos.Un site incontournable: www.visitgreece.gr. A lire «Thomas Nikas, forcer la chance», la biographie écrite par Pierre Hazette dans la collection Paradigmes aux éditions du Cefal à Liège www.cefal.com

Quand y aller ?L’Epire est une destination toute saison contrairement à la plupart des sites de vacances grecs. Neige en hiver avec même un domaine skiable à Metsovo, paysages flamboyants en automne, pas de fortes chaleurs en été grâce à l’altitude et paradis fleuri des randonneurs dès le printemps. Toutefois pour mieux rejoindre le début des itinéraires de marche, la voiture reste utile d’autant que les routes sont très bonnes et les distances courtes.

Y aller.En été le plus rapide est de passer par Corfou via les low cost de vacances. Y louer une voiture, prendre le ferry vers Igoumenitsa, en Epire. 2 heures de traversée paisible. Il faut compter ensuite une heure de voiture pour joindre Ioannina, autant pour joindre Bourazani et 20 minutes en plus vers les villages des Zagoria. En dehors de l’été, il faut passer par Thessalonique, en Macédoine. Il faut alors compter deux bonnes heures de route pour franchir quelque 250 km. 

Se loger :A Ioannina, l’hôtel du Lac comme son nom l’indique s’allonge au coeur d’un parc fleuri face au lac Pamvotis. Pour un peu on se croirait en Suisse : élégance du décor, qualité du service et de la table, quiétude des lieux.  www.hoteldulac.gr. Moins onéreux, très confortable mais légèrement excentré, l’hôtel Palace Epirus www.epiruspalace.gr. A Bourazani, dans un ancien relais de chasse dont les 20 chambres ont une petite touche Liberty, www.bourazani.gr le propriétaire qui parle français et anglais est d’excellents conseils pour découvrir la région. Dans les Zagoria, le charmant village de Aristi est un bon point de départ pour les randonnées vers Vikos, Micro Papingo et Megalo Papingo. Le Taxiarches Hotel est un 3 étoiles avec une très belle vue sur la montagne. Le propriétaire propose ses services pour visiter la région et pratiquer du rafting www.taxiarches.gr 

La gastronomie :Elle se veut simple mais savoureuse, à base des produits de la région : des légumes frais, de l’agneau, du poisson, des yaourts onctueux arrosés de miel, des pitas maison, des fruits confits au sirop, des risottos aux fruits de mer, aux champignons sauvages ou aux tomates séchées… A découvrir entre autres au restaurant de l’hôtel Bourazani dont la table servie sur la terrasse est particulièrement raffinée. Autre belle étape, à Vikos, un hameau qui réunit à peine une vingtaine de personnes, l’unique taverne de la place fait l’unanimité entre les villages voisins. Les vignobles de Zitsa s’épanouissent sur les flancs ensoleillés du Pinde autour de Ioannina. A retenir le domaine Glinavos www.glinavos.gr et son demi-siècle d’expériences et de traditions. Dans la montagne, on apprécie le tsipouro, un alcool fort réalisé en distillant le jus de raisin dans des petits alambics au coeur même des communautés villageoises. 

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